J94 — Le FC Versailles : une marque, des talents et du football
Et si le foot était un laboratoire managérial ? Et si la Gen Z se passionnait pour la vision d’un club avec son style de jeu ? Bienvenue au FC Versailles.
Bonjour à toutes et tous,
Questionner les modèles établis, comprendre le “pourquoi” derrière les choses, s’inspirer de modèles différents… C’est avec cette idée que nous avions parlé du modèle de TR Racing et du Vendée Globe en janvier dernier. Autre sport, autre modèle. Pour l’édition de cette semaine, j’ai échangé avec Alexandre Mulliez, président du FC Versailles, afin de découvrir comment il bouscule les codes.
Remarqué pour ses prises de parole sur LinkedIn, où il documente avec transparence son aventure entrepreneuriale dans le football et prône le "build in public", Alexandre intrigue. Très vite dans la conversation une chose devient évidente : il n’est pas un président d’un club de football classique, il met en place un futur centre de développement de talents. Et c’est justement cette posture qui fait de lui un acteur qui dénote dans un écosystème encore très codifié.
Il challenge le statu quo. Il parle plus facilement d’image de marque que de jeu, bien que la moitié de son temps soit consacré au sportif. Il recrute des fans avant des supporters en vendant plus de maillots que certains clubs de Ligue 1. Sa vision ouvre une nouvelle voie où le football devient un terrain d’exploration pour un nouveau modèle business. Avec Fabien Lazare, son associé, ils fêteront leur deux ans à la tête du club en juin prochain, et ce n’est que le début de l’aventure.
Dans cette édition, on revient sur la genèse d’un projet à part dans le football français — et sur ce que ça dit des modèles de demain.
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Du retail au football ⚽️
Quand Alexandre Mulliez et Fabien Lazare quittent Auchan en 2022, le football est loin de leur radar. Leur première piste les emmène vers la Creator Economy, avec l’ambition de monter une entreprise dans cet univers en pleine effervescence. Après six mois d’exploration, ils abandonnent le projet. Ils pivotent alors vers une deuxième voie : le rachat d’entreprise. Plus de quinze critères guident leur recherche. Et si tout les pousse naturellement vers le retail, ils cherchent au contraire à s’émanciper de l’univers des entreprises familiales. Ce qu’ils veulent : soit un vrai problème à résoudre, soit un secteur où il y a la possibilité d’y apporter un avantage compétitif en appliquant leur modèle. Un modèle inspiré des entreprises qu’a développé le grand-père d’Alexandre (Auchan, Leroy Merlin, Decathlon, etc), de Toyota (aussi appelé le Lean Management) ainsi que des recherches d’Alexandre depuis une quinzaine d’années pour assembler les réussites de divers modèles.
Si le football n’était pas une évidence, le sport, lui, est une passion commune et une source d’inspiration managériale très forte. Alexandre aime comparer un collaborateur à un joueur de football : pour le faire performer, il faut le mettre dans les meilleures conditions, lui proposer un plan d’entraînement afin de développer à la fois ses qualités individuelles et sa contribution collective.
Fabien est un pur passionné de foot, Alexandre, plus touche-à-tout, se passionne notamment pour la Formule 1 et les sports mécaniques en général. Après avoir envisagé le rachat d’une entreprise de travaux, reprendre une entreprise dans le sport les titillent le temps d’une journée. Ils explorent le monde du sport auto, mais aucune écurie de F2 ou F3 n’offre le potentiel de marque ou de développement qu’ils recherchent. Ils se penchent ensuite sur les clubs de football en région parisienne — la plupart trop chers, d’autres pas alignés avec leur vision — et passent, sans comprendre comment encore aujourd’hui, à côté du FC Versailles.
Edmond Tahar, conseiller, et ami d’Alexandre depuis ses débuts, dont le père a été Président du PSG, lui propose un déjeuner avec Luis Ferrer, ancien recruteur du PSG devenu agent. Il leur parle de Frédéric Ryssen, agent et conseiller de l’ancien président du FC Versailles, qui lui a confié que le FC Versailles était à vendre.
Sur le papier c’est une feuille blanche avec une marque énorme et une position dans le championnat National (3ème division française). Une opportunité qui ne se représentera pas.
Le 15 juin 2023 ils acquièrent 51 %, puis la totalité du capital quelques mois plus tard. Fidèle à l’héritage entrepreneurial transmis par son grand-père, ils embarquent dans l’aventure avec le motto que « rien n’est impossible » — la raison d’être du club est d’ailleurs de “déjouer les pronostics”.
Voir le potentiel d’une marque 💙
Le FC Versailles n’est pas qu’un club, c’est aussi une potentielle marque puissante. Et c’est en partant de ce constat que le duo bâtit son plan d’attaque. Le club a peu de supporters, pas d’infrastructures majeures, pas de positionnement à préserver. Cela pourrait être un handicap, c’est devenu un levier de liberté car ils ont l’opportunité de tout inventer.
La SAS qui comprend l’équipe 1 ne bénéficie pas d’un ancrage local fort, contrairement à l’association. Plutôt que de construire sur l’ancrage, ils utilisent le nom “FC Versailles” comme un territoire créatif, esthétique, visuel. Une marque qui réconcilie l’histoire, à travers l’héritage et la culture, avec l’avenir et les valeurs de la jeunesse comme l’inclusion, la diversité et le partage. Cela passe par les maillots, les shooting photos, la typographie plus calligraphique mais surtout leur communication digitale. Chaque détail est un point d’ancrage pour construire l’image de marque.
Leur ambition n’est pas de conquérir uniquement les habitants de Versailles et de l’Île de France, mais de séduire une audience nationale et internationale (plus de 50% de leurs maillots sont vendus à l’étranger), en s’adressant à une génération plus qu’à une géographie. Si traditionnellement, c'est la performance sportive qui transformait les spectateurs en supporters, aujourd’hui, en misant sur l’image, le ton et l’identité de la marque, un club attire des fans bien avant qu’ils n'aient vécu une expérience au stade ou découvert leur jeu.
Pour être visible, le club se positionne comme un véritable média. Sur les réseaux sociaux, le FC Versailles comptabilise plus de 51 000 abonnés sur Instagram, plus de 121 000 sur TikTok, environ 15 000 sur X et plus de 10 000 sur LinkedIn.
Avec près de 60 000 abonnés sur Linkedin et des posts qui avoisinent le million de vues, Alexandre Mulliez se positionne comme un créateur, proche des personnes qui le suivent, créant du contenus régulièrement et peut-être bientôt, sur de nouvelles plateformes.
Le club est incarné par des personnages. Chaque jour, ce sont les visages des employés — qu’il s’agisse de Quentin le responsable juridique, de Nordine, l’intendant de l’équipe, des joueurs, ou de l’entraîneur, — qui incarnent l’esprit et les valeurs du FC Versailles.
Derrière les réseaux sociaux du club, des collaborateurs jeunes à qui la confiance est donnée. Louis, le Directeur Marketing, et maintenant Antoine qui a pris son relais en tant que Community Manager, ont l’âge de la cible qu’ils souhaitent toucher. Ils maîtrisent leurs codes.
Dans le même style que la série documentaire “Bienvenue à Wrexham”, le FC Versailles a ouvert ses portes à CANAL+ pour une série de 6 épisodes intitulée “Le Club”. Elle plongera dans le quotidien, les victoires, les défaites et les défis d’un club qui fait autrement. Diffusion prévue en 2025.
Le FC Versailles devient plus visible, plus identifiable, plus clivant aussi. Leur communication efface le niveau de compétition dans lequel ils évoluent, d’ailleurs vous ne verrez jamais le FC Versailles se positionner comme un club “de National”. Ils construisent une marque, développent leur visibilité et c’est cette promesse qu’ils offrent à leur sponsor — engageant un ticket d’entrée plus élevé que les montants habituels à cet échelon. Parmi les noms qui se sont associés au club : Kard, Konbini, ou encore Château de Versailles Spectacles aux manettes de Versailles Electro.
🎮 Ce 7 avril, le FC Versailles a annoncé son nouveau partenariat avec Xbox, une collaboration qui fusionne l’univers du jeu vidéo et celui du football. Pour marquer le coup, le club se transforme pendant une semaine en FC Verdansk, un clin d'œil appuyé à Call of Duty®: Warzone™, qui parlera à tous les gamers.
Chaque jour, les fans pourront découvrir des contenus exclusifs et immersifs sur les réseaux sociaux du club, à commencer par un stream animé hier soir par Zack Nani. Point d’orgue de cette semaine : ce vendredi, les joueurs du FC Verdansk fouleront la pelouse vêtus de vestes créées spécialement pour l’occasion.
Aujourd’hui leurs revenus viennent principalement de la vente de maillots. Si la billetterie est gratuite pour les moins de 26 ans, ils espèrent qu’au long cours cela devienne une ligne solide de revenus avec les hospitalités et le sponsoring car ils pourront compter sur des droits TV que s’ils accèdent à la Ligue 2.
Leur fierté : construire une équipe, administrative et sportive, alignée avec leurs valeurs 🤝
Quand on demande à Alexandre Mulliez ce dont il est le plus fier, il répond sans hésiter : l’équipe. Car si le chemin pour bien s’entourer a pris du temps, la dynamique actuelle reflète la philosophie qu’ils souhaitent installer : une logique d’amélioration continue, de cohérence et surtout de transparence.
Ils l’assument, ils ont fait des erreurs. Au départ, ils ont recruté sur la base de CV impressionnants plutôt que sur l’alignement humain et culturel. Le résultat fut peu concluant. Et beaucoup de monde a quitté le club. Depuis, ils corrigent le tir et ce sont la personnalité et les valeurs qui guident leurs choix.
C’est cette logique qui a dicté le recrutement du nouvel entraîneur en novembre dernier. Plutôt que de céder à l’urgence, ils ont préféré assumer six semaines d’intérim, assurées par Jérémy Clément, pour prendre le temps de trouver le bon profil. Ils ont choisi Jordan Gonzalez, un entraîneur prometteur, pas encore titulaire du BEPF, mais dont l’état d’esprit colle à leur vision : ambition, humilité, esprit collectif.
Plus que des compétences, la paire dirigeante cherche des personnes capables de comprendre et de croire en leur modèle. De construire sur la durée, de grandir avec le club, de se développer et avec qui partager une même énergie entrepreneuriale. Et quand le club ne peut plus les faire progresser, il les laisse partir, comme Kevin Nadje, transféré au Feyenoord Rotterdam l’an dernier. Pour eux, c’est une réussite, pas une perte.
Leur méthode de recrutement et de management illustre une fois de plus leur volonté d’appliquer au football des principes de l'entreprise. Ils ne se posent aucune limite, réinvente l’organisation. Avec “Une seule équipe”, ils continuent d’avancer sur les chantiers au long cours : trouver un terrain pour installer leur village FCV (stade, centre d'entraînement et de formation), et gérer l’après-Jean Bouin, désormais récupéré par le Paris FC.
Et le terrain ? 🏟️
S’ils développent une marque et une organisation ambitieuse, le cœur du projet reste le sportif. C’est là que se joue 50 % de leur temps et 80% de leur charge mentale depuis qu’ils ont repris le club.
Aujourd’hui, l’objectif est de passer un cap. Stabiliser l’équipe, sécuriser le maintien, construire un socle solide pour pouvoir projeter le club sur plusieurs saisons et sur une montée en Ligue 2. Cela passera par un mercato intelligent dès cet été, mené avec une idée claire de l’équipe qu’il leur faut. Une équipe capable d’incarner leur vision du football : exigeante, collective, engagée.
Le FC Versailles n’est pas un club qui veut ressembler à tout le monde, il veut ressembler à sa génération. Plus qu’un projet sportif, c’est une entreprise de divertissement où le jeu, le business, la culture et l’humain s’entrelacent. Les fondations sont posées, place au décollage !
Le FC Versailles est actuellement 14ème du championnat de National. Leur prochaine rencontre aura lieu ce vendredi 11 avril à 19h30. Ils recevront Dijon sur la pelouse du Stade Walter Luzi à Chambly.
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