J83 — Les métiers du moment 🎓
Observer les pages emplois de Linkedin donne une tendance des postes en vogue. Communication corporate, fan manager ou encore directeur créatif, voici les profils du jour !
Bonjour à toutes et tous,
Linkedin n’est pas qu’un réseau social professionnel. C’est aussi une ressource de veille quand on creuse au-delà des publications des serials entrepreneurs.
En suivant les pages "Emplois", vous pouvez obtenir des indices sur les priorités de certaines entreprises. Les intitulés de postes peuvent révéler des stratégies sous-jacentes. Et même s’il serait prétentieux de penser qu’on peut lire dans une entreprise en consultant uniquement sa page Linkedin, certains signaux sont révélateurs.
Avant de parler des intitulés et fiches de postes que j’ai annoté cet été, quelques mots sur le documentaire Netflix sorti il y a quelques jours : Se Acabó.
D’abord surprise de constater que la bande annonce est disponible uniquement sur la chaîne YouTube espagnole de Netflix alors qu’on parle d’un sujet qui a secoué le sport au-delà des frontières de l’Espagne, je vous invite à prendre 1h35 pour regarder ce documentaire et comprendre le mal profond qui a pourri cette équipe bien avant l’image que tout le monde connaît. Un mal qui illustre encore trop bien comment le sport féminin est traitée par certaines organisations. Derrière les faits, c’est surtout un documentaire qui donne de l’espoir parce que les choses évoluent, parce que des femmes fortes ont décidé de ne plus se laisser faire, parce que les audiences du sport féminin montrent qu’il y a un public et que les marques comprennent que ne pas s’y intéresser équivaut à mettre 50% de la population mondiale de côté, parce que ces athlètes sont sur la voie de l’émancipation et que des millions de jeunes filles ont trouvé des modèles, parce qu’on peut ne pas aimer le produit qu’est le sport féminin et quand même le respecter. Ce documentaire résume très bien l’impact sociétal du sport féminin et pourquoi nous verrons de plus en plus d’athlètes parler de ce qu’ils ne cautionnent plus.
Place à 9 minutes de Temps Additionnel et de réflexions sur :
La révolution de la communication corporate 🎙️
L’engagement des fans n’est pas qu’une question de revenus 💸
Les nouvelles divisions entertainment 🎟️
Le poste qui n’est pas sur Linkedin 🧙🏻♀️
Romane — Une question ou une suggestion ? Envoyez moi un mail.
Vous pensez que cette édition peut intéresser une de vos connaissances ? Transférez-lui par mail ou partagez-la sur vos réseaux sociaux. Un clic pour vous, c’est comme un but à la 80ème en finale de Coupe du Monde pour moi.
Ôde à la communication corporate 🎙️
Devinez combien de clubs de Premier League ont diffusé une annonce pour des recrutements en communication corporate cet été.
Réponse : 4. Soit 20% d’entre eux.
Dans leurs descriptions, nous pouvions lire “chargé de contribuer à l'amélioration de la réputation du [club], il travaillera avec les principales parties prenantes pour promouvoir les initiatives non-sportives” ou encore “ce poste jouera un rôle clé dans la communication des activités commerciales et de l’entreprise”. Beaucoup mentionnaient le soutien à la Fondation du club, aux initiatives RSE et à la politique diversité. Cette dernière phrase me fait dire qu’encore trop de personnes perçoivent la communication corporate comme un pêle-mêle de sujets RH ou marketing mais c’est une discussion pour un autre jour. Enfin, ces postes n’avaient ni la même dimension, ni le même reporting. Certains étaient rattachés à un directeur de la communication sportive, d'autres au département des affaires publiques.
Ces recrutements soulignent l’importance croissante de la sphère corporate dans les structures sportives qui va de paire avec la réputation, leur positionnement comme marque et l’accent mis sur les valeurs, ainsi que la communication de crise.
Les clubs ne sont plus de simples associations sportives, ce sont des entreprises. Si votre responsable communication sportif s'occupe des aspects liés à l'équipe, votre responsable communication corporate gèrera vos communications financières et les questions sur les conditions de travail sur le chantier de votre nouveau stade.
Dissocier les enjeux sportifs et réputationnels en confiant ces rôles à deux personnes distinctes est essentiel et je vois plutôt d’un bon œil la création de ces postes. Peut-être une première victoire pour la communication souvent laissée pour compte.
Un “fan engagement manager” n’a pas à générer de revenus 💸
Des intitulés comme “Fan Club Specialist”, “Head of Fan Engagement” et “Fan Marketing Integration” évoquent directement l'engagement des fans, sans pour autant définir ce qu’est un fan. Trop souvent, on assimile consommateur et fan, alors qu'ils jouent des rôles différents : le consommateur génère des revenus, tandis que le fan peut être très engagé sans dépenser un centime. Un consommateur peut être un fan mais un fan peut aussi être… qu’un fan. Ainsi, quand ces fiches de postes indiquent qu’engager des fans c’est « être responsable des stratégies qui permettront de développer la base de fans, puis de gérer des campagnes qui permettront à terme d’augmenter les revenus provenant de cette base », je ne suis pas très confortable avec la description.
Le terme "fan" peut prêter à confusion, car il provient du monde du divertissement. Son utilisation pour des marques classiques, souvent à cause des réseaux sociaux qui nous font devenir “fan” de tout par abus de langage, occulte le fait qu'historiquement les marques avaient des consommateurs, pas des fans. Dans le sport, ces deux catégories coexistent. Le consommateur qui vient au stade un week-end sur deux et le fan qui like toutes vos publications sur les réseaux sociaux sont différents mais tout aussi importants. L’un est OK d’alimenter votre base de données, l’autre non mais contribue à votre rayonnement.
Un fan engagement manager devrait être celui qui interagit avec les fans pour comprendre leurs motivations et attentes. C’est celui qui peut se faire relai de leur voix. Qui comprend que le fan veut se sentir spécial et non comme un porte-monnaie. Il peut travailler à la différenciation de la marque pour attirer de nouveaux fans, établir des relations privilégiées, et organiser des événements. Il collabore étroitement avec ceux qui se chargeront d’en faire des consommateurs via des stratégies dédiées grâce à ses retours terrains. Il stimule la créativité des fans, les incite à prendre de l’espace et identifie les superfans. Il veille plus largement sur les fandoms, berceaux de rencontres de tous ces fans. Il peut être aussi celui qui optimise les points de contact physiques et digitaux avec les fans.
Aujourd’hui, l'engagement des fans est perçu comme une source de revenus alors que ça devrait d’abord être de comprendre leurs attendus pour renforcer la relation existante tandis que les stratégies marketing génèrent des revenus.
Les services événementiels deviennent des divisions divertissement 🎟️
Ne parlez plus de services événementiels, mais de divisions « entertainment ». Ce terme, bien plus adapté, reflète l'évolution de l'expérience offerte par ces acteurs, qui va au-delà du sport. Nous sommes à l'ère du spectacle sportif, où chaque événement doit être riche en surprises, émotions et animations. Plus question d’avoir de temps morts. Les animations musicales et les showcases de mi-temps sont devenus des standards, tandis que les jeux de lumière et les effets immersifs rythment les coups d’envoi. Même les stands de nourriture se transforment en expériences inédites, avec des thématiques, des chefs invités et des menus exclusifs.
Ces divisions organisent bien plus que des événements. En plus de la logistique, de l’habillage et des opérations, elles optimisent tous les points de contact avec les participants. J’ai remarqué qu’on inclut de plus en plus les boutiques et le merchandising dans ces divisions qui contribuent aux interactions entre le fan et l’entité sportive, mais aussi les relations avec les diffuseurs puisque la production et la diffusion sont aussi synonymes de spectacle.
La question se pose alors : ces divisions doivent-elles se concentrer sur l'expérience physique ou inclure également l'expérience digitale, en intégrant des projets liés au gaming, au web 3 ou aux programmes de fidélité ? Si l'on élargit ainsi le champ, cela implique aussi de considérer toute la production de contenus et l'univers digital, ce qui pourrait réduire la place des services dédiés à la marque. Finalement, tout pourrait devenir du divertissement, sauf le sportif. Alors que ces divisions émergent progressivement, une chose est certaine : elles devront se focaliser sur le grand public, et il sera intéressant d'observer leur évolution.
Le poste clé à l’ère des collaborations 🧙🏻♀️
En 2018, David Bellion disait au Guardian :
En tant que directeur créatif, mon objectif est de créer des ponts entre le Red Star et le monde de la culture, de l'art et du lifestyle, qu'il s'agisse de musique, de mode, de photographie, de gastronomie ou d'événements, mais sous un angle totalement nouveau.
Cette vision s’est concrétisée avec les concerts de DJ Good Dirty Sound et Hotel Radio à Bauer les jours de match, la vente du maillot 17/18 dans des concept store comme Broken Arm et Colette, le développement du Red Star Lab pour proposer aux jeunes des activités créatives allant de la couture à l’éloquence, la création du Red Star Music - un label destiné à la détection et au développement des jeunes talents musicaux issus du club et du 93.
Aujourd'hui, toutes les équipes sportives matures doivent envisager de recruter un directeur créatif pour maximiser les opportunités de leur marque. La portée de ces équipes s'étend déjà bien au-delà du terrain de jeu et des bars. Elles ont le pouvoir de créer et raconter des histoires de manière originale pour attirer des audiences aux sensibilités différentes.
Elles ont aussi une puissance commerciale inégalée qui justifie qu’autant de partenaires viennent toquer à leur porte pour des accords de sponsoring long terme ou des collaborations ponctuelles. Eux aussi veulent parler à cette communauté de fans large et diverse.
Le sport se connecte avec la mode, le cinéma, le gaming, l’art, le tourisme. Il parle à ceux de 7 à 77 ans, indépendamment du lieu de résidence ou de son éducation. Les maisons de luxe, marques automobiles, compagnies aériennes, sociétés de production, géants de l’informatiques cherchent à s’allier au sport mais la multiplication de ces collaborations ne se fait pas sans risque. Un directeur créatif est essentiel pour préserver l’identité de l’équipe et garantir la cohérence des messages envoyés aux fans. Il navigue dans ce paysage complexe, déterminant ce qui est bon ou non pour le narratif culturel de la marque. C’est celui qui, à l’heure de la multiplication des collaborations en tout genre, en particulier avec le merchandising, veille à préserver l’essence de son équipe, de son identité.
Ce rôle se distingue de celui d'un directeur de marque, qui a une vision stratégique à long terme. Le directeur créatif, lui, explore toutes les idées, même celles qui s'éloignent du plan initial, car ils pensent ponts culturels.
Des exemples récents illustrent cette tendance :
Daniel Arsham est devenu directeur créatif de l’équipe NBA de Cleveland en 2020, alliant art et sport à travers des stratégies créatives pour les produits dérivés et l'expérience des fans. Cela a notamment conduit au nouveau logo en 2022 et à des éditions de maillots en lien avec des lieux iconiques de Cleveland, ainsi qu’au tout nouveau design de la boutique de l’équipe.
En août 2023, Crystal Palace a nommé Kenny Annan-Jonathan pour se concentrer uniquement sur les collaborations mode afin de diversifier l’offre de produits dérivés et engager fans, et nouveaux fans, différemment.
Guillermo Andrade a rejoint la MLS en 2023 en tant que directeur créatif pour la Leagues Cup, un tournoi d’un mois réunissant les équipes de MLS et Liga MX. Il avait en charge le développement des collections capsules de l’événement et de travailler sur une série documentaire sur son processus créatif avec Apple TV.
Le sport est un fabuleux terrain de jeu professionnel, en constante évolution pour s’adapter aux nouvelles modes de consommation et aux attentes des consommateurs et fans. C'est une véritable source de créativité, et ces métiers émergents redéfinissent l’expérience et les interactions avec un club ou un événement. Bien sûr, nous aurions pu explorer le rôle de la technologie, du digital et de l’IA qui sont au cœur des stratégies de ces organisations mais je les pratique moins au quotidien. Restez attentifs sur LinkedIn ; des opportunités passionnantes et des idées novatrices s'y cachent, prêtes à être découvertes 👀
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Dans la prochaine édition, je vous donne rendez-vous pour une nouvelle veille du Temps Additionnel où on parlera de lieux insolites, du Marathon de New-York et de comment communiquer sur des causes. Pour ne pas la louper, inscrivez-vous !